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Médecine

Des lobbys corrompus aux charlatans de province : Conséquences et dérives de la médecine bourgeoise

La médecine a été accaparée par les grands lobby privés du médicament et une minorité de rebouteux sectaires. Derrière ce drame : l'absence de l'État et les politiques néo-libérales.

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Par Aurélien

Lecture 15 min

Cet article fait partie d'un dossier complet sur la médecine. Les arguments qui y sont développés s'inscrivent donc dans une totalité. CF : le sommaire.

Sommaire :
  1. Les paradigmes capitalistes de la médecine

  2. La crise du COVID-19 comme symptôme de la maladie capitaliste

  3. Qu'est-ce que le vivant ? Un bref horizon des réponses philosophiques et scientifiques

  4. Qu'est-ce que la santé ? De l'anormalité et l'anomalité

  5. Qu’est-ce que la médecine ? La leçon d'Hippocrate

  6. Approches et controverses : L'opposition médecine conventionnelle-non conventionnelle ou allopathique-holistique

  7. La médecine prise en otage : Entre scientisme et pseudo-science

  8. Des lobbys corrompus aux charlatans de province : Conséquences et dérives de la médecine bourgeoise

  9. Darwin complotiste ? Le néo-kantisme contre Darwin

  10. Refondation thérapeutique : Propositions pour une pratique communiste de la santé

Suite du dossier :

La médecine positiviste est régulièrement critiquée pour sa soumission à « Big Pharma », mais qu’est-ce que ce nom désigne réellement ? Il est habituellement utilisé pour désigner les lobbys des diverses industries pharmaceutiques. Il sous-entend que les hôpitaux et les médecins en général seraient soumis aux intérêts de ces mêmes industries, et que ce serait en vertu de cette soumission que la médecine serait majoritairement dominée par le pôle du médicament.

Cette théorie suppose également l’utilisation consciente de ces médicaments pour empoisonner la population dans un but « d’ingénierie sociale ». On nage donc en pleine théorie du complot. Comme toujours, les théories du complot s’avèrent indémontrables, essentialistes, impliquant plus de conséquences qu’elles ne peuvent expliquer, mais également un « fond » de vérité sur lequel s’élaborer.

Comme nous l’avons vu, l'approche médicamenteuse est une conséquence nécessaire du positivisme. Répétons-le encore, le positivisme ne reconnaît que des faits isolés, il prend donc en médecine la forme d’un réductionnisme du patient à ses symptômes en isolation qu’il cherche à éliminer par l’administration d’agents actifs eux-mêmes isolés. Le traitement systématique par médicament est le résultat logique de la méthode scientifique utilisée de nos jours en médecine. Il est donc tout aussi logique et nécessaire (qui ne peut pas ne pas être) que la conception positiviste de la médecine induise une production massive de médicaments.

La production générale étant au sein du capitalisme dans les mains d’une classe minoritaire, il en va de même pour la production particulière de médicaments. Ainsi, la médecine positiviste sert de fait les intérêts de la classe bourgeoise. Mais elle ne le fait pas d’après un plan malicieux des élites pour contrôler et s’enrichir sur le dos de la population. Elle est — dans le domaine du médicament — à la fois la légitimation idéologique du mode de production capitaliste – car produite par lui – et la cause de ce même mode de production ,dont elle fixe l’orientation pratique. Il y a auto-engendrement réciproque du capitalisme et de la médecine positiviste.

Un travail plus long devrait être fait pour montrer la continuité historique et logique de la médecine positiviste et l’émergence de la bourgeoisie, notamment lors de la révolution industrielle conduisant aux grandes découvertes scientifiques du 19ième siècle. En attendant, les travaux de Marx et Engels sur le développement du mode de production capitaliste et l’invention de la science moderne – notamment L'Anti-Dühring – ou encore ceux de Maurice Cornforth sur l’empirisme anglo-saxon (L’Idéologie Anglaise), constituent des sources suffisantes. Nous renvoyons également à l'ouvrage de Loïc Chaigneau : Pourquoi je suis communiste. Essai sur l'objectivité du matérialisme dialectique et historique.

À lire : Notre fiche de lecture sur Pourquoi je suis communiste de Loïc Chaigneau

Pourquoi je suis communiste essai sur l'objectivité du matérialisme dialectique et historiquePourquoi je suis communiste essai sur l'objectivité du matérialisme dialectique et historique (Varvara Stepanova / Éditions Delga)

La production de médicament étant donc aux mains de la classe bourgeoise, légitimant sa pratique et légitimée par l’épistémologie positiviste, il est évident que cette même classe s’organise en lobbys pour appuyer ses intérêts. Mais tout ceci est inconscient, c’est un processus historique qui n’a rien à voir avec une volonté de nuire à la population. Le lobby du médicament existe donc bien mais comme nécessité du moment logico-historique dans lequel la médecine actuelle évolue. Une lutte contre ces lobbys et leurs pratiques est donc raisonnable, à condition de se faire sur les bases énoncées plus haut et non pas sur les accusations d’un complot indémontrable.

On peut alors affirmer sur des bases concrètes que ces mêmes lobbys empêchent l’utilisation et la production de certains remèdes lorsque ceux-ci présentent l’avantage d’être facilement réalisables par des populations pauvres, ce qui représenterait une perte financière pour les dits lobbys. On peut penser à l’artemisia annua, qui fut conseillée sous forme de tisane par la Chine maoïste aux Viêt-Congs durant la guerre du Vietnam pour traiter le paludisme. Cette plante, qui se cultive très bien, est systématiquement disqualifiée par les lobbys du médicament au nom de la méfiance méthodologique à l’égard d’un élément aussi multifactoriel et complexe qu’une tisane (!), invérifiable à l’aide d’une étude randomisée en double aveugle.

Elle pourrait très largement contribuer à l’éradication de ce parasite dans les pays les plus pauvres où il sévit (sans être une baguette magique non plus, bien évidemment), mais elle est rendue difficilement accessible pour ces mêmes populations. À la place, les lobbys préfèrent en extraire une molécule unique – à durée de vie très faible sous cet état – pour en faire des médicaments de synthèse qui coupent la dite molécule de sa synergie originelle et diminuent son effet, ce qui a pour conséquence de renforcer le parasite et implique donc une course folle à la découverte de nouveaux médicaments toujours plus onéreux, et donc la mort de millions de personnes (1). Un tel embargo contribue grandement aux politiques impérialistes par la mainmise des bourgeoisies industrielles étrangères sur les populations des pays atteints par cette maladie.

Forces de guérilla du Viêt-cong en provenance du Nord-Vietnam traversant une rivière en 1966 durant la guerre du VietnamForces de guérilla du Viêt-cong en provenance du Nord-Vietnam traversant une rivière en 1966 durant la guerre du Vietnam (Photographe inconnu / Wikipédia)

La question de la production est au cœur de la médecine moderne. La gestion de la pandémie de COVID-19 en France a montré les dégâts des délocalisations sur notre capacité à nous soigner. La santé suppose donc une souveraineté médicale et une production nationale du matériel médical et des médicaments. Si la production de médicaments reste aux mains d’une classe parasitaire, elle continuera toujours à servir les intérêts économiques de ceux qui les vendent et non de ceux qui les reçoivent.

La nationalisation par les travailleurs de l’industrie pharmaceutique et la levée des brevets est une nécessité pour assurer une politique de santé publique efficace, mais également une lutte contre la corruption et les dérives des lobbys bourgeois, qui sont un recul pour la science. Cette réalité politique de la santé, les défenseurs acharnés du positivisme ne veulent pas la reconnaître. La bourgeoisie réserve la pratique de la médecine à une classe minoritaire sélectionnée et formée selon un schéma de reproduction sociale bien déterminé, au sein d’un cadre et d’un dogme épistémologique au service du mode de production capitaliste.

Tout au long de la pandémie, nous avons assisté à des injonctions à ne pas « politiser la santé », sous prétexte de neutralité scientifique. Pourtant, la gestion par le gouvernement d’Emmanuel Macron n’a été que politique. Le caractère global d’une pandémie révèle de manière très claire la dimension publique de la santé. Les décisions qui sont prises pour la santé de tous devraient être le fruit de la volonté générale. C’est précisément parce qu’elle concerne tout le monde que la santé est avant tout politique et démocratique. La médecine commence avec la démocratie, ce que refuse le positivisme, qui évince la dimension sociale de la science. N'en déplaise aux zététichiens-de-garde.

Dans une toute autre mesure, la médecine holistique est, comme nous l’avons dit en fin de partie précédente, tout aussi dualiste vis-à-vis de la question sociale. Pour rappel, le processus thérapeutique en naturopathie passe toujours par une analyse du cadre de vie du patient. S’il s’avère néfaste pour lui, le naturopathe commencera toujours par conseiller au patient d’en changer, quitte à déménager et changer de travail. Une telle démarche est évidemment impossible pour un prolétaire car elle est très onéreuse.

Mais cela va plus loin encore, car il s’ensuit, dans la liste interminable de changements proposés par le naturopathe, un nombre d’achats et pratiques chers en temps et en argent. On pense par exemple aux extracteurs de jus – vendus à presque un SMIC s’il on veut en avoir un de qualité –, aux compléments alimentaires à 30 € la boite/mois, aux cours de formation aux diverses techniques et méthodes d’exercices et d’hygiénisme, aux aménagements pour la maison, et, surtout, aux fruits et légumes à acheter toujours bio, frais et issus de la permaculture !

On voit donc que cette pratique concerne une minorité d’individus qui a les moyens de s’y consacrer. Il n’est alors pas étonnant de voir s’immiscer sur fond naturaliste des théories spiritualistes relevant du développement personnel. Loïc Chaigneau a montré que le développement personnel était un nouveau stoïcisme visant à faire accepter au prolétariat son exploitation tout en donnant une bonne conscience à la classe bourgeoise, en exaltant les vertus de l’individu (2). Cette même classe bourgeoise qui se repaît de tous les nouveaux marchés ouverts par la mode du « healthy lifestyle » promu par les nouvelles couches moyennes d’Instagram.

La médecine holistique est donc une idéologie profondément individualiste et libérale qui nie, à l’instar de la médecine positiviste à laquelle elle prétend s’opposer, la dimension sociale de la santé. Pour ne prendre qu’un seul exemple : si la naturopathie a raison de mettre l’accent sur la nécessité d’une alimentation riche en micronutriments, force est de constater que la présence de ces derniers est très faible dans la monoculture industrielle (3). Il faut donc se tourner vers la permaculture pour trouver de véritables bons produits ; pourtant, cette forme d’agriculture est extrêmement minoritaire. Une alimentation de qualité ne doit pas être réservée à une élite qui a les moyens de se l’offrir. Or, la transition vers une permaculture généralisée est un enjeu politique et historique majeur qui demande des financements publics sur plusieurs dizaines d’années.

→ À lire aussi : La planification comme révolution agricole communiste Vue aérienne de champs agricolesVue aérienne de champs agricoles (Mohit Kumar / Unsplash)

Par ailleurs, il n’y a également aucune raison de réserver les pratiques d'hygiène et de consommation de produits sains à la sphère individuelle. Il est tout à fait imaginable de développer une « culture de la santé » dans une société où les industries seraient nationalisées aux mains des travailleurs, par l’implantation de ces appareils techniques onéreux dans les entreprises, dans les cantines professionnelles par exemple, et des formations sur place aux diverses techniques de renforcement physiologique.

Mais surtout, tout cela ne peut se faire sans un encadrement publique et scientifique à même de prémunir les patients contre les dangers réels et les dérives sectaires de la médecine « holistique », contre lesquels il faut absolument lutter. Car, pour beaucoup de praticiens holistiques, l'errance médicale dans laquelle est plongée un grand nombre de patients suite aux limites intrinsèques de la médecine positiviste, est une aubaine.

La souffrance de nos concitoyens et l'absence d’interventions et de prise en charge par l’État conduit à l’émergence d'un nouveau marché de la médecine alternative et à de nombreux abus.

La médecine positiviste et la médecine holistique sont donc toutes les deux des idéologies. C’est-à-dire qu’elles sont des projections de la conscience de la classe bourgeoise. Attention toutefois à ne pas faire de contresens, la production de l’idéologie est un fait inconscient. Les concepteurs de la méthode positiviste et de la méthode holistique ne sont pas des comploteurs organisant volontairement la mise en place des cadres médicaux pour servir leurs intérêts personnels. C’est plutôt la conséquence d’un aveuglement dû à leur position dans le procès de production.

Ainsi, nous pouvons lutter efficacement contre les théories complotistes qui trompent sur les bien-faits de la médecine positiviste et les critiques faciles qui réduisent la médecine holistique en charlatanisme.

Article suivant : Darwin complotiste ? Le néo-kantisme contre Darwin

Montage Kant et une caricature de DarwinMontage Kant et une caricature de Darwin (Affranchi / Affranchi)


Sources :


Sources images :

Andrés Nieto Porras : Wall Street (4456029904)

Paulus Fürst : Paul Fürst, Der Doctor Schnabel von Rom (Holländer version)

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