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Clivage gauche-droite

L’alternance capitaliste de l’extrême-centre

Véritable carcan idéologique, le clivage gauche-droite permet la continuité de l'ordre établi et occulte les rapports de classe, seuls à même de nous permettre de penser des transformations sociales radicales.

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Par Loïc Chaigneau

Lecture 25 min

L’humoriste Laurent Regairaz, plus connu sous le nom de Chicandier, s'amusait dans une vidéo récente (1) en remarquant que « les gens confondent tout ». Avant de devenir comédien, il était notaire, explique-t-il. À cette époque, il passait ses vacances à Val-d’Isère, logeait dans des hôtels de luxe, et profitait de mets choisis réservés à une petite minorité de la population. Il était alors unanimement considéré comme « de droite ». Mais depuis qu’il évolue dans « le monde du spectacle », les choses, remarque-t-il, sont très différentes. Il part toujours en vacances à Val-d’Isère, loge dans les mêmes hôtels et consomme toujours les mêmes mets, toutefois, « cela n’a rien à voir », puisqu'il est maintenant considéré comme « de gauche ». Ce trait d’humour illustre par bien des aspects déjà l’inefficience des concepts de gauche et de droite en politique. Mieux, il signale encore qu’un genre de vie (2) différent ne s’accompagne pas nécessairement d’un niveau de vie différent, et montre que cette confusion embrouille les catégories qui nous permettent de nous repérer dans les rapports de force politiques. En ce sens, le clivage gauche-droite viendrait invisibiliser les rapports de classe, pour ne plus laisser apparaître que des débats d’opinions totalement décorrélés des conditions matérielles d’existence de ceux qui s'y engagent. En effet, bien qu'ayant des genres de vie différents, l’homme d'affaire dit « de droite » et l’artiste dit « de gauche » n'en partagent pas moins parfois les mêmes conditions de vie et le même niveau de vie (3) qui sont des facteurs déterminants de leur rapport au monde social. Ainsi, femme d’affaire de droite et musicien à succès de gauche peuvent très bien se retrouver au sein des mêmes quartiers parisiens, fréquenter les mêmes dîners mondains, disposer d’un rapport à la propriété assez similaire, etc. À rebours, l’hôtesse de caisse qui se positionne politiquement à gauche est pourtant socialement beaucoup plus éloignée du musicien mondain dit de gauche que de l’ouvrier de droite, malgré ce que ce clivage absurde pourrait suggérer.

→ À lire aussi : Leur clivage et le nôtre : au sujet de la gauche et de la droite

Il nous apparaît alors décisif de questionner ce clivage gauche-droite en montrant d’abord la fonction idéologique à laquelle il répond en tant que clivage. Après quoi, nous devrons expliquer la manière dont ce clivage peut être refusé, tout en montrant que ce refus n’a rien à voir avec une troisième voie fasciste, tel que cela peut habituellement être entendu. Enfin, nous chercherons à redonner, au travers d’un clivage de classe, le sens politique que le clivage gauche-droite fait perdre aux classes populaires.

La fonction idéologique du clivage gauche-droite

L'idée selon laquelle le clivage gauche-droite n'aurait désormais plus de sens est aujourd'hui assez largement répandue en France. Mais nous sommes en droit de nous demander si ce clivage en a seulement déjà eu un. Et si oui, pour qui est-ce que ce clivage a pu ou peut encore avoir du sens. Il nous faut pour cela nous intéresser à la fonction idéologique de ce clivage. Cela revient, dans un premier temps, moins à nous intéresser à la désignation conceptuelle de ce clivage, qu’à son apport pratique, en termes de politique essentiellement. Il s’agit de discerner la fonction que ce clivage remplit dans l’espace politique, et quel peut être son intérêt. Puisqu’en effet, si ce clivage, comme les concepts respectifs de droite et de gauche, apparaît désuet, son ancrage dans les mentalités demeure tel qu’il est très difficile d’articuler un discours politique qui se dispense totalement d’y avoir recours. Il n’y a rien d’anodin à ce que la réflexion politique française se fonde le plus souvent sur l’usage de ces concepts, qui trouvent leur ancrage dans une histoire nationale particulière. En effet, ce n’est là que la résultante d’une histoire bien connue de tous, à savoir de l’opposition entre les réactionnaires et les partisans de la république lors de la Révolution française. Mais remarquons d’emblée, comme le faisait Hegel, que : « Le bien connu en général, pour la raison qu’il est bien connu, n’est pas connu. C’est la façon la plus commune de se tromper et de tromper les autres, à propos du connaître, que de présupposer quelque chose comme bien connu. (4) » C’est certainement là ce qui pêche dans l’emploi que nous pouvons faire des concepts de droite et de gauche, comme s’ils allaient de soi. Or, rien n’est moins sûr. En effet, il suffit de tenter de proposer une définition de ces termes pour qu’une autre vienne la chasser et parfois même la contredire. Dès lors, si ces concepts semblent inadéquats à la réalité dont ils tentent de rendre compte, c’est peut-être parce que leur fonction est ailleurs. Le clivage gauche-droite permet en effet une articulation décousue et décorrélée du réel, qui correspond seulement au prisme de la classe dominante.

C’est faute de désaccords idéologiques profonds que la classe dominante use aujourd'hui d’un carcan théorique tel que le clivage gauche-droite. En dehors de celui-ci, aucun salut ne semble possible. Tous les candidats à la présidentielle sont d’ailleurs sommés à toutes les élections de se positionner dans un lignage plutôt de droite ou plutôt de gauche. Pourtant, en dépit de cette distinction, la plupart des candidats qui obtiennent les meilleurs scores ne remettent jamais en cause le mode de production capitaliste. Il y a donc un invariant structurel sur lequel tous s’accordent, et qui n’est pas des moindres, puisqu’il est le socle fondamental à partir duquel s’érige ensuite l’organisation de la vie sociale et politique. C’est en tout cas ce que nous pensons, dans la continuité de Marx :

L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c'est inversement leur être social qui détermine leur conscience.
Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique

Avec le clivage gauche-droite, les distinctions politiques ne s’opèrent plus aujourd'hui en fonction des conditions objectives à partir desquelles elles peuvent s'établir, mais bien plutôt et seulement en fonction de phénomènes dérivés. Il existe moins une distinction de nature que de degré entre les représentants des forces politiques majeures. Les batailles se font sur la hausse ou la baisse du smic, mais non sur la remise en question du travail dans le seul carcan de l’emploi capitaliste et de la mise en valeur du capital. Elles se font encore sur un âge de départ en retraite qui varie, sans jamais que ne soit remis en question notre rapport au travail et à la valeur comme enjeu de la lutte des classes (5). Les dernières luttes qui semblent encore donner du sens au clivage gauche-droite sont des luttes internes à la dite superstructure, c’est-à-dire qu’elles se coupent totalement de l’enracinement matériel qui les rend possibles. Le débat sur la légalisation de la gestation pour autrui, ou « GPA », en est un exemple manifeste. Les uns, plutôt « à gauche », y sont favorables, tandis que les autres, plutôt « à droite », s’y opposent. Mais aucun d'entre eux ne reconnaît que ce processus technique, qui questionne la bioéthique, est en même temps intimement lié au développement capitaliste et à l’extension permanente des marchés et de l’exploitation des corps. Or, ce n’est pas la même chose de se positionner en faveur de la GPA ou contre celle-ci selon le mode de production dans lequel nous nous trouvons, et donc en fonction de l’usage qui pourrait être fait de cette pratique. Selon que ce droit rende possible une exploitation effrénée de jeunes femmes précaires et précarisées ou non, l'enjeu est totalement différent. Cet enjeu s'ancre dans des conditions matérielles objectives, et il est difficile de l'ignorer, sauf à épouser une position de confort idéologique qui se coupe de tout rapport au réel. Ainsi, se positionner contre la GPA revient par exemple ici de facto a être considéré comme étant « de droite » quand bien même vous seriez par ailleurs favorable à une socialisation des grands moyens de production sur le plan économique, ce qui ferait de vous une personne considérée « de gauche ». Il en va de même avec la question de l’immigration. D’un côté, la gauche en appelle au principe général des « droits de l’homme » pour accueillir réfugiés et immigrés, tandis que, de l'autre, la droite s’y refuse. Cela se fait dans les deux cas au profit d’une occultation du réel. Car en réalité, il est possible de refuser l'immigration, telle qu'elle est malheureusement orchestrée, en tant qu'elle est le fruit des processus de guerre et d'exploitation de l'impérialisme et du capitalisme, desservant ainsi l'intérêt des peuples de tous horizons, tout en cessant d'incriminer les immigrés, non pas à partir des droits abstraits de 1789, mais en les accueillant comme travailleurs et contributeurs à la vie sociale. Cette position n'est pas tantôt de droite, ou tantôt de gauche, mais elle met en évidence, comme les autres exemples cités, et parmi bien d'autres possibles, l’inefficience de ce clivage.

Mais nous disions pourtant en amont que ce clivage remplissait bien une fonction, une fonction que nous avons qualifiée d’idéologique. Rappelons que l’idéologie est un processus de déformation et d’inversion du réel. Il en est bien ici question ; le clivage gauche-droite occupe la fonction idéologique qui consiste à organiser en permanence la division des classes populaires contre leurs intérêts, et afin que les catégories de gauche et de droite viennent structurer inconsciemment leur rapport au monde social et politique. Ainsi, notre hôtesse de caisse « de gauche » se verra contrainte, sans s’en rendre compte, d’épouser les désirs idéologiques d’une certaine gauche, sans jamais pouvoir s’allier à l’ouvrier « de droite ». Les catégories idéologiques insufflées par la classe dominante prennent le pas sur les conditions matérielles qui rapprochent pourtant, d’un point de vue de classe, ces deux individus, qui ont de nombreux intérêts communs.

→ À lire aussi : Le concept d'idéologie chez Marx et Engels

Le clivage gauche-droite n’a donc de sens que pour ceux dont le capitalisme et la démocratie dite de marché et d’opinion apparaissent comme un horizon indépassable. Ce clivage discrimine alors entre ceux qui, idéologiquement et en dehors de toute considération des conditions objectives, se positionnent abstraitement plutôt en faveur de l’avortement ou contre, en faveur de la peine de mort ou contre, pour la croissance ou la décroissance mais sans jamais questionner les instruments de mesure de celles-ci, et biens d’autres thèmes qualifiés dans les journaux comme des thèmes « sociétaux ». Par exclusion de toute alternative politique, c’est-à-dire de toute transformation sociale et politique réelle, il ne reste plus que l’alternance entre une gauche et une droite du Capital, qui ne laisse plus personne dupe : c’est l’alternance capitaliste de l’extrême-centre (6), le lent pourrissement de l’histoire qui se refuse à trouver une issue politique à la crise – l’extrême-centre étant l’expression d’une réconciliation des élites à différents moments de l’histoire de France contre toute construction réellement démocratique, comme le souligne très bien Pierre Serna. Cet extrême-centre, qui, sous couvert de modération et de juste mesure, ne cesse d’étendre le pouvoir exécutif tout en stigmatisant comme « extrémistes » ceux de ses adversaires qui chercheraient à penser et à construire différemment les rapports sociaux et politiques. C’est l’illustration même d’un pouvoir qui, tout en prétextant la modération, rend possible la continuité de l’ordre établi : plutôt le capitalisme que tout autre chose. Derrière l’apparent clivage gauche-droite, il ne reste plus rien en réalité qu'une commune adhésion au monde tel qu’il est – l’amor fati politique. Le clivage gauche-droite apparaît alors moins comme un moyen opératoire pour rendre compte de la vie politique, notamment en France, que comme un voile occultant les rapports de classe, et laissant toute latitude à cet extrême-centre pour gouverner toujours dans le même sens en dépit des apparences. La fadeur de la dernière campagne présidentielle et le désintérêt croissant de la population pour les rythmes imposés de la vie politique en sont autant d’illustrations. Ces cinq dernières années nous ont pourtant montré que le peuple français n’était pas désintéressé de la politique, c’est-à-dire de la vie commune, du bien commun, mais que, en revanche, il se refusait de plus en plus à participer au choix manichéen entre des politiques dites « de droite » ou dites « de gauche » qui convergent toujours vers ce centrisme, qui n’est pas politiquement vide, mais qui se trouve être en fait l’expression même des intérêts de la classe dominante.

Ni de droite, ni de gauche, ni fasciste

Une deuxième idée couramment répandue à propos du clivage gauche-droite est celle d’après laquelle le refus de ces catégories s’accompagnerait nécessairement d’un positionnement fasciste (7), antirépublicain, antibourgeois, antidreyfusard, etc. Cette thèse de Zeev Sternhell est partiellement vérifiable sur le plan historique. Toutefois, elle nous apparaît très incomplète, puisqu’elle fait fi au moins de deux éléments importants. D’abord, elle récuse l'analyse marxiste qui comprend le fascisme comme une forme continuée du capitalisme en crise. En ce sens, le fascisme n'est pas un régime politique à part, mais il est bien au contraire une conséquence et surtout la poursuite du mode de production capitaliste pour sauvegarder les moyens de sa reproduction (8). Le fascisme est ainsi un produit de l’extrême-droite, du Capital, et non l'expression d'une réelle troisième voie. Le fascisme ne peut être enfanté, sous ses différentes formes, que par les crises répétées du capitalisme, engendrées par ses contradictions internes. Et si ses formes plus actuelles divergent parfois de celles du passé, le contenu n’en reste pas moins similaire par de très nombreux aspects. C’est à l’occasion de ces crises, qui induisent nécessairement une destruction du travail vivant, qu’il devient nécessaire à la classe dominante de mettre en place des politiques autoritaires qui endiguent toute forme de contestation et d’insurrection possiblement révolutionnaire. C’est seulement ainsi que le Capital trouve de nouveau les moyens de sa reproduction afin de poursuivre malgré les crises :

Les contradictions [du capitalisme] provoqueront des explosions, des cataclysmes et des crises au cours desquels les arrêts momentanés de travail et la destruction d’une grande partie des capitaux ramèneront, par la violence, le capitalisme à un niveau d’où il pourra reprendre son cours. Les contradictions créent des explosions, des crises au cours desquelles tout travail s’arrête pour un temps tandis qu’une partie importante du capital est détruite, ramenant le capital par la force à un point où, sans se suicider, il est à même d’employer de nouveau pleinement sa capacité productive. Cependant ces catastrophes qui le régénèrent régulièrement, se répètent à une échelle toujours plus vaste, et elles finiront par provoquer son renversement violent.
Karl Marx, Grundrisse, Tome 4, Plus-value et profit

Les crises du capitalisme sont susceptibles d'engendrer la liquidation des classes dominantes en tant que classes. C’est pourquoi le renforcement du pouvoir exécutif apparaît nécessaire à leur maintien – la concentration des pouvoirs multiples de la bourgeoisie, telle qu’elle peut s’exprimer d’ordinaire au travers de différentes institutions et par l’exercice de l’idéologie habituelle, n’étant plus tout à fait possible, du fait d’une résurgence de la précarité des conditions matérielles qui préoccupe les classes populaires. C’est là en même temps le terreau d’une période révolutionnaire, comme l’indiquait Lénine en 1920 dans La maladie infantile du communisme : « le gauchisme » :

La loi fondamentale de la révolution, (...) la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque « ceux d’en bas » ne veulent plus et que « ceux d’en haut » ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher.

Les rapports de classe refont alors surface. C’est là qu'à nouveau, le carcan du clivage gauche-droite intervient pour contenir en partie cette tension révolutionnaire, afin d’empêcher les classes populaires de penser et d’articuler correctement la lutte. Lénine encore précisait très justement qu’il ne pouvait y avoir de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire. Or, les catégories politiques abstraites habituellement employées dissuadent inconsciemment les classes populaires de former une unité de classe. Une identité chauvine, antirépublicaine et souvent raciste se substitue alors à l’identité de classe. Notons, pour le comprendre, que toute identité est toujours en même temps un processus d’identification et donc de mimétisme, et qu'une particularité du fascisme est justement sa capacité à mobiliser les masses. Puisqu’en effet, il serait vain d’imaginer un renforcement du pouvoir exécutif sans un assentiment, au moins relatif, des masses. La politique moderne s’exerce difficilement sans une forme réelle ou apparente de légitimité.

Le rôle, aujourd'hui encore clairement affiché par leurs partisans, de ces politiques fascistes, est de détruire tout rapport de classe, tout « bloc historique » au sens de Gramsci, c’est-à-dire toute alliance des classes populaires et des classes moyennes. C’est pourquoi la petite-bourgeoise revancharde, pleine de ressentiment (compréhensible par certains aspects), faussement anticapitaliste, et prête à pointer du doigt le bouc-émissaire cathartique, se présente comme la classe intermédiaire la plus encline à soutenir les politiques fascistes. Or, l’extrême-centre et le fascisme apparaissent précisément comme l’avers et le revers d’une même pièce, l’un permettant l’engendrement de l’autre, même malgré lui, et malgré toutes les défenses et la distance qu’ils ne manquent pas de prendre, en parole, l’un à l'égard de l’autre. Ce qui fait cette profonde complémentarité, c’est qu’ils ont en commun la détestation profonde des syndicats, du monde du travail et du mouvement ouvrier : « plutôt Hitler que le Front Populaire ! » Il n'est en rien anodin que toutes ces figures diverses, dans les formes dans lesquelles elles ont influencé la politique de leur pays et en des temps parfois différents, prennent toujours appui sur les propriétaires des grands moyens de production, industriels, bancaires, de presse, etc. (9)

fond blanc

Il apparaît donc comme beaucoup trop superficiel de considérer le fascisme comme une troisième voie qui disqualifierait en tant que tel le clivage gauche-droite. Au contraire, les rouages qui les articulent nous apparaissent plutôt comme étant tout à fait imbriqués.

Mais il y a un autre élément, et non des moindres, qui est omis dans les discours contemporains qui s’accordent sur la thèse d’après laquelle le refus du clivage gauche-droite serait une caractéristique propre au fascisme. Il s'agit du fait qu’au sein du mouvement ouvrier et parmi ses intellectuels, à commencer par Marx et Engels, aucun ne s’est jamais originellement revendiqué comme étant « de gauche ». Ce qui est déterminant pour Marx, c’est la lutte des classes et la manière de mener cette lutte contre les forces réactionnaires de son époque et contre les forces capitalistes. Nulle part il n’aurait été question pour lui d’en appeler à une « union de la gauche » – qui s’apparente davantage à une union libérale qui met à l’écart tout positionnement communiste. La seule déclinaison des concepts de droite et de gauche utilisée par Marx et Engels (dans leur correspondance notamment, ainsi que dans L'idéologie allemande écrite en 1845) est philosophique, et s'applique à ce moment-là aux différents courants des jeunes hégéliens. Il y a donc un refus structurel de participer à une quelconque formation politique dite « de gauche », puisque cela désigne un positionnement politique qui s’accommode de l’état actuel des choses : il s’agit de discuter de la longueur des chaînes et non plus de les rompre. Quant aux rapports entretenus entre la gauche libérale et républicaine et le mouvement ouvrier communiste, il n’est certainement pas vain de rappeler qu’à deux reprises dans la France du XIXᵉ siècle, la première n’a pas manqué de réprimer sévèrement, et dans le sang, la seconde : lors des journées de juin 1848 et, bien sûr, en 1871, pour lutter contre la Commune de Paris. Et c’est encore cette même gauche, de l’autre côté du Rhin cette fois, qui fit assassiner Rosa Luxemburg le 15 janvier 1919 (10).

Certains signalerons peut-être que le communisme et le fascisme partagent bien un même rejet du parlementarisme et donc du clivage gauche-droite. Ce sont les mêmes qui n’hésitent pas à enrôler sous la notion – très politique – de « totalitarisme », tout à la fois le fascisme, le nazisme et le communisme. Cette opinion, aujourd'hui trop répandue, n'en est pas moins une erreur grossière, qui revient à s'aveugler entièrement sur les spécificités extrêmement divergentes des formes de société regroupées à tort sous cette notion de régimes totalitaires. Dans un article de 2004, Domenico Losurdo rappelait à ce propos que : « Le tort fondamental de la catégorie de totalitarisme est de transformer une définition empirique, relative à certaines caractéristiques déterminées, en une déduction logique de caractère général. Il n’y a pas de difficulté à constater les analogies entre l’URSS stalinienne et l’Allemagne nazie ; à partir de celles-ci, il est possible de construire une catégorie générale (le totalitarisme) et de souligner la présence dans les deux pays du phénomène ainsi défini ; mais transformer cette catégorie en clé explicative des processus politiques qui ont eu lieu dans les deux pays constitue un saut effrayant. Son caractère arbitraire devrait être évident, et ceci pour deux raisons fondamentales. Nous avons déjà vu la première : de manière subreptice, les analogies réelles entre l’URSS et le Troisième Reich sont considérées comme étant décisives, tandis que sont ignorées et refoulées les analogies qui, au plan de la politique eugéniste et raciale, permettraient d’instituer des connexions bien différentes. Voyons maintenant la seconde raison. Si l’on veut concentrer l’attention sur la dictature du parti unique dans les deux pays habituellement mis en comparaison, pourquoi renvoyer à l’affinité des idéologies plutôt qu’à la similitude des situations politiques (l’état d’exception permanent) ou du contexte géopolitique (la vulnérabilité particulière) que doivent affronter les deux pays ? Il me semble évident, au contraire, qu’à la base du phénomène totalitaire, en même temps que les idéologies et les traditions politiques, agit puissamment la situation objective. (11) »

Comme en témoigne l’inefficience de cette notion, la hâte à assimiler communisme et fascisme relève bien, encore une fois, d'une disqualification du réel au profit d'une lecture du monde à partir des seules catégories abstraites que sont, entre autres, celles de gauche et de droite, puisque cela ne peut se faire qu'à condition d'abstraire les régimes politiques des conditions objectives au sein desquels ils se développent, et de nier la poursuite du mode de production capitaliste dans les régimes fascistes.

→ À lire aussi : Vidéo de cours : Les communistes ne sont pas de gauche

La gauche, donc, n’a pas directement à voir avec le mouvement ouvrier communiste, et nous préférons considérer ces liens relatifs et irréguliers dans l’histoire comme accidentels plutôt que comme essentiels. À l’heure actuelle, la gauche du Capital se divise entre, d’un côté, une gauche libérale, qui ne cesse de prendre ses distances avec les classes populaires (la gauche dite « terra nova » (12)), et, de l’autre, une gauche populiste, de Chantal Mouffe à Thomas Piketty, de Jean-Luc Mélenchon à Fabien Roussel. Cette gauche populiste renoue par certains aspects avec les Narodniki, ces « amis du peuple », auxquels Lénine adressa une réponse en 1894 (13), au sens où elle favorise une lecture politique qui discrimine les individus à partir de leurs richesses plutôt qu'à partir de leur classe et des intérêts qui en dérivent. Or, cette division entre les riches d’un côté et les pauvres de l’autre, malgré des apparences de scientificité obtenues par les outils de mesures statistiques, n’en reste qu’à une analyse très néopositiviste de la société, bien loin de la lecture historico-dialectique de Marx, pour qui les classes se définissent d’abord dans un rapport à la propriété privée ou non des moyens de production, et dans la mise en rapport de la production et de la consommation. En effet, un cadre salarié et un patron de TPE, qui peuvent avoir des revenus nets mensuels et donc des niveaux de vie équivalents, n'en n'ont pas pour autant nécessairement les mêmes intérêts de classe. Ou, à l'inverse, à genre de vie équivalent (14), c’est le niveau de vie réel qui peut parfois faire la différence entre le cadre supérieur salarié qui peut véritablement bien s’en sortir au quotidien, et le patron de TPE qui peine à faire tenir son entreprise et à payer ses salariés. La lecture populiste qui oppose riche et pauvre est tout aussi insuffisante, on le voit, qu'une lecture gauchisante qui opposerait systématiquement patron et salarié. La gauche populiste ne cherche plus à dépasser le capitalisme pour construire le socialisme empiriquement (15). Au contraire, en en appelant à une lutte abstraite des pauvres (de gauche) contre les riches (de droite) et en affirmant toujours davantage la nécessité de taxer le Capital, elle ne fait que légitimer ce dernier. En effet, taxer le Capital, c’est compter sur lui pour que l’extorsion de la plus-value, et donc à terme le profit, soient au rendez-vous, c’est-à-dire aussi l’exploitation des travailleurs ; sans profit, la taxation du Capital ne peut qu’être moins importante. Les populistes ne cherchent donc pas à organiser la société en-dehors du capitalisme mais bien à composer avec lui. C’est là encore une très nette différence entre les communistes et la gauche, qu’elle soit libérale ou populiste.

Il existe donc bel et bien des espaces politiques qui sont en-dehors du clivage gauche-droite, et ceux-là n’ont rien de fascistes. Au contraire même, ils peuvent se présenter comme une alternative durable au régime politique qui perpétue le capitalisme en faisant mine de le combattre. Ce clivage se présentant en fait davantage comme un carcan, sa suppression peut être l’occasion d’une recomposition politique nouvelle qui tienne davantage compte des rapports de force internes aux sociétés contemporaines.

Faire sens : clivage idéologique ou clivage de classe ?

Nous avons commencé en signalant qu’il était communément admis de dire que le clivage gauche-droite n’avait plus aucun sens. Puis, nous avons insisté sur le fait qu’il conservait, malgré tout, tout son sens pour la classe dominante en répondant à ses intérêts idéologiques. Cela explique que ce clivage apparaisse comme totalement désuet et inopérant auprès de la majorité de la population et que, pourtant, il subsiste, comme faute de mieux. Il est un carcan qui enferme toute réflexion pratique et empêche toute analyse concrète de la situation concrète. En ce sens, le clivage gauche-droite est une arme idéologique dont l’objectif s’apparente à une dissuasion massive contre la pensée, et notamment contre la pensée politique des classes populaires, contraintes à devoir articuler un discours à partir de concepts qui ne correspondent pas ou plus à la réalité sociale et politique.

L’histoire est traversée par des phénomènes singuliers qu’il convient d’analyser, y compris dans le présent, à l’aune non pas des clivages idéologiques, mais des rapports de force bien réels et des intérêts et fractures de classe. C’est la raison pour laquelle le clivage gauche-droite est impuissant pour penser la vie politique française, comme cela apparaît clairement, par exemple, lors de la Seconde Guerre mondiale et sous l’Occupation. En effet, tandis que certains grands hommes de gauche se rallièrent au régime de Vichy en étant activement collaborationnistes (le cas de Pierre Laval étant l’exemple le plus éloquent), d’autres hommes de gauche organisèrent la résistance intérieure sur le territoire français (l’exemple iconique étant celui de Jean Moulin). Dans le même temps, bien sûr, une certaine frange de la dite droite et de l’extrême-droite a collaboré activement avec le régime nazi, jusqu’à créer la Légion des volontaires français. Mais d’autres, à commencer par le général de Gaulle, dont la pensée est imprégnée par la doctrine de Maurras et l’empirisme organisateur, combattaient de front, un temps, avec les communistes (16). Engagement dans la Résistance qui laissa de marbre l’extrême-centre du Pétain de la Seconde Guerre mondiale, qui ne manquait pas d’en appeler déjà à la modération politique. Il pourrait nous être objecté que cela répond à des conditions historiques particulières. Bien sûr, cela est vrai. Mais c’est aussi le cas de toute période historique qui ne peut se contenter des catégories du passé pour saisir le présent politique. Et d’ailleurs, quelques années avant la Seconde Guerre mondiale déjà, il apparaît tout aussi difficile de comprendre le discours du 17 avril 1936 de Maurice Thorez, si nous nous en tenions au seul clivage gauche-droite. Dans ce discours dit de la « main tendue », l’ancien secrétaire général du Parti Communiste Français, s’exprimait ainsi :

Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques, parce que tu es notre frère. [...] Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu Croix-de-Feu, parce que tu es un fils de notre peuple. [...] Nous sommes le grand Parti communiste, aux militants dévoués et pauvres, dont les noms n'ont jamais été mêlés à aucun scandale et que la corruption ne peut atteindre. Nous sommes les partisans du plus pur et du plus noble idéal que puissent se proposer les hommes.
Maurice Thorez, Discours du 17 avril 1936

Maurice Thorez s’adresse au peuple français tout entier. Il est vain de l’imaginer déclarer que son ennemi, ce serait « la droite ». Tout simplement parce que cela ne signifie rien des rapports de force et des intérêts de classe très concrets.

Aujourd’hui encore, l’une des questions politiques fondamentales demeure la souveraineté nationale et populaire. Cette question ne peut être l’apanage ni de la gauche, ni de la droite. En réalité, gauche et droite libérales ont tout intérêt, dans l’organisation du capitalisme transnational, à abattre les États-nations pour maximiser le profit capitaliste. Tandis qu’à rebours, les classes populaires, mais aussi les classes moyennes traditionnelles (petits patrons) et les nouvelles couches moyennes (17), ont intérêt a minima à la ré-industrialisation et au protectionnisme économique (parmi bien d'autres mesures dont nous ne ferons pas ici l'inventaire). Michel Clouscard a très bien décrit cette articulation dialectique du rapport à l’État-nation à l’occasion d’un entretien donné pour le huitième numéro de L’Évadé :

L'État a été l'instance superstructurale de la répression capitaliste. C'est pourquoi Marx le dénonce. Mais aujourd'hui, avec la mondialisation, le renversement est total. Alors que l'État-nation a pu être le moyen d'oppression d'une classe par une autre, il devient le moyen de résister à la mondialisation. C'est un jeu dialectique.

Cette recomposition des rapports de force macro-économiques invite nécessairement à repenser les questions de souveraineté nationale et la reprise en main démocratique des droits fondamentaux et des fonctions régaliennes des États-nations : décider de la paix et de la guerre, battre monnaie, rendre la justice et faire la loi, pour reprendre les termes de Marie-France Garaud. L’autre versant, qui ne peut s’établir qu’à partir de ces fondements, consiste dans l’établissement et le prolongement d’une souveraineté populaire sur le travail : remise en cause de la propriété privée lucrative, socialisation de la production, copropriété d’usage de l’outil de travail, destruction du crédit capitaliste, etc. Sur toutes ces questions où les classes populaires se manifestent – dans tous les sens du terme, que ce soit lors du referendum sur la Constitution européenne de 2005 ou bien à l’occasion du mouvement des Gilets jaunes –, les problématiques ne se posent absolument plus à l’intérieur du clivage gauche-droite. Ce qui transparaît lors des luttes récentes, c’est un clivage de classe qui manque encore d’appui théorique pour dépasser conceptuellement et verbalement ce qu’il dépasse d’ores et déjà en acte, à savoir justement le carcan idéologique du clivage gauche-droite.

Cette nouvelle ligne d’opposition se construit empiriquement contre une classe dominante libérale-libertaire (18) au pouvoir – c’est-à-dire contre l’alliance objective du libéralisme économique et du libéralisme politique. Et, aujourd'hui, de plus en plus contre le revers de la médaille néofasciste, à l’avers extrême-centriste : « l’anthropologie néofasciste – fascisme culturel – sera la radicalisation de la consommation transgressive et de son corollaire, le mépris du producteur, du travailleur » (19), écrit Michel Clouscard en 1972. Il ne s’agit pas d’en revenir à une lecture de classe passéiste, mais bien de saisir les transformations profondes des classes sociales depuis l’avènement du libéralisme-libertaire et l’état de crise actuel, qui conduit aujourd'hui au néofascisme écolo-réactionnaire, soit la conjonction objective, sur les plans philosophiques, politiques, économiques et spirituels, d’une tendance écologiste et réactionnaire (de droite et de gauche) comme nébuleuse pseudo-contestataire et du capitalisme dans son extension vers le fascisme. Il s'agit de comprendre ce moment du présent historique autoritaire qui cherche à faire de nécessité vertu en proclamant la « sobriété heureuse », si chère à Paul Ariès ou Pierre Rabhi, quand les classes populaires connaissent une précarité grandissante. C'est l’alliance objective (au sens hégélien, puisqu’il ne s’agit pas d’un processus conduit par des acteurs conscients de cette objectivité tactique) de l’écologiste et du réactionnaire, dans la continuité de la phase libérale-libertaire du capitalisme qui a déjà conduit à la liquidation pratique (désindustrialisation, délocalisation, chômage structurel de masse, etc.) et idéologique (tentative d’invisibilisation, désintérêt pour le marxisme, exaltation du subjectivisme) de la classe ouvrière. Or, la classe ouvrière n’a pas disparu, elle s’est transformée : « La classe ouvrière a pu être identifiée au prolétariat à ce moment de la production où le travail ouvrier se réduisait au travail du corps, celui-ci force productive de subsistance, sans qualification professionnelle et avec un outillage rudimentaire, le corps servant d'outil : l'homme de peine. Ce prolétariat existe toujours : la masse des travailleurs de nationalité française et la masse des travailleurs étrangers qui survivent encore selon ces conditions. Mais le C.M.E. (capitalisme monopoliste d'État) a extraordinairement "élargi" la classe ouvrière, de deux manières. C'est d'abord par la création de la chaîne de production : O.S., O.Q., technicien, ingénieur, chercheur, qui caractérise l'actuelle division du travail. C'est un fantastique élargissement du travail manuel et dans la mesure où il s'intellectualise. C'est le contraire de ce que prétend l'idéologie dominante : la classe ouvrière ne diminue pas, elle augmente. Le travail intellectuel ne réduit pas le travail manuel, il le renouvelle et le développe (20). »

Forgé dès 2016 par Loïc Chaigneau, le concept d'écologisme-réactionnaire entend contenir une analyse critique de l'écologisme sous ses différentes formes : politique bien sûr, mais pas seulement. L'écologisme-réactionnaire traduit une idéologie totale qui s'étend de l'aspect politique à l'aspect spirituel et religieux. La phase écolo-réactionnaire du capitalisme se présente comme le retour en force du nouveau fascisme.
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C’est cette mutation qui traduit et révèle une généralisation du travail salarié comme classe révolutionnaire (21), et qui permet de penser un Travailleur collectif existant au-delà des seules corporations et entreprises, en tant qu’entité et corps social à part entière. L’histoire du mouvement ouvrier a montré (22) sa capacité à s’auto-organiser (23), et cette voie semble encore tout à fait possible derrière les illusions politiques du libéralisme et du populisme : « L’autogestion doit rendre la révolution au travailleur et sur le lieu de travail. C’est une révolution silencieuse. Elle se fait derrière les médias, en dehors du pathos et du volontarisme politique, sans péripétie et sans circonstance dignes de la une, sans flash, sans scoop (24) ». C’est en pratique que cela peut s’organiser et s'instituer derrière les écrans de fumée dont fait partie le clivage gauche-droite. Fort heureusement, le matérialisme historique nous enseigne que ce ne sont pas les idées qui guident le monde – même si elles y contribuent –, ce qui permet d’entrevoir une dynamique qui existe d'abord pratiquement et de fait, indépendamment des considérations conceptuelles qu’on y applique.

Notons encore que ce sont bien les rapports de force réels qui sont décisifs, et non seulement les alliances volontaires ou objectives et inconscientes. Ainsi, l’après-guerre a montré à la fois une convergence gaullo-communiste (25) mais aussi des divergences profondes – notamment sur la question des comités d’entreprise, qui poussa de Gaulle vers la sortie le 20 janvier 1946, bien qu'il exprimât pourtant en 1968 une position fort nuancée.

Conclusion : reprise du pouvoir par le bloc historique des classes en lutte

Contextualiser et discréditer le clivage gauche-droite est un moyen politique de rebattre les cartes et de refuser toute forme de police de la pensée qui, sous prétexte tantôt d’union sacrée, d’union de la gauche ou bien encore de barrage à l’extrême-droite, endigue en réalité toutes les forces vives à même de produire des transformations sociales radicales. Réaffirmer un clivage de classe, cela revient à mettre un terme au confusionnisme politique ambiant qui s'étend et s'épaissit de plus en plus – confusionnisme qui permet à l’alternance capitaliste de l’extrême-centre de disqualifier les masses organisées en les définissant toujours comme « extrémistes » à partir du gradient politique bourgeois organisé autour du clivage gauche-droite.

À rebours de cela, se réarmer théoriquement, c’est encore se réarmer pratiquement. C’est pourquoi la prise de pouvoir sur le travail engendre nécessairement une autre lecture de la vie politique, dont nous avons essayé ici d’esquisser les contours.


(1) Vidéo postée sur l’application Instagram le 23/02/2022
(2) Michel Clouscard, Néofascisme et idéologie du désir, Éditions Delga, Paris, 2013, p. 34
(3) Capital culturel et social communs, fréquentation des mêmes lieux géographiques, des mêmes quartiers des centres urbains, consommation des mêmes biens, etc.
(4) G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, trad. Jarczyk et Labarrière, Paris, Folio, vol. 1, 1993, p. 45
(5) Bernard Friot, Le travail, enjeu des retraites, Paris, La Dispute, réédition 2019
(6) Pierre Serna, L’extrême-centre ou le poison français : 1789-2019, Champ Vallon éditions, 2019
(7) Cf. Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche. L’idéologie fasciste en France, Folio Histoire, 2013
(8) Léon Trotski, Comment vaincre le fascisme, Paris, Buchet-Chastel, 1973
(9) Ivan Maïski, Qui aidait Hitler ?, Paris, Éditions Delga, 2014
(10) Ajoutons de manière plus anecdotique qu’un ancien premier ministre français, membre du dit Parti Socialiste, écrivait en 2008 un livre qui avait pour titre : « Pour en finir avec le vieux socialisme... et enfin être de gauche ». Quant à Emmanuel Macron, à l'époque ministre de l’économie du gouvernement Valls II et membre depuis plusieurs années du Parti Socialiste, il s’était exprimé en 2016 au Puy-Du-Fou en précisant que l’honnêteté l’obligeait dire qu'il n'était pas socialiste. Il y aurait comme ça pléthore d’exemples historiques ou anecdotiques.
(11) Domenico Losurdo, « Pour une critique de la catégorie de totalitarisme », PUF, Actuel Marx n° 35, 2004, pp. 115-147
(12) Olivier Ferrand, Romain Prudent, Bruno Jeanbart (du Think tank « Terra Nova »), Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?, 10 mai 2011
(13) Lénine, Ce que sont les « amis du peuple » et comment ils luttent contre les sociaux-démocrates, 1894
(14) Nous voulons parler ici de toute la pratique de surcodage symbolique et matérielle qui affaire aux biens de consommation : plutôt telle berline en commun qu’une familiale, plutôt telle machine à café de marque que l’usage d’une cafetière à filtre, et toutes les déclinaisons possibles. Au risque du surendettement pour certains, afin que les capitaux sociaux et symboliques puissent se substituer au défaut du capital économique.
(15) Rappelons que le socialisme n’est pas une utopie qui nécessite de remplir un cahier des charges, mais qu’il se conçoit déjà chez Marx et Engels comme « le mouvement réel d’abolition de l’état actuel des choses », avec toutes les configurations nationales diverses que cela peut comporter.
(16) L’appel à la résistance de Charles Tillon datant du 17 juin 1940.
(17) C’est-à-dire les cadres supérieurs qui ne sont pas détenteurs de leur outil de travail.
(18) Michel Clouscard, Critique du libéralisme-libertaire, Éditions Delga, Paris, réédition 2014
(19) Michel Clouscard, Néofascisme et idéologie du désir, Éditions Delga, Paris, réédition 2014
(20) Michel Clouscard, Les dégâts de la pratique libérale-libertaire, Éditions Delga, Paris, réédition 2020
(21) Bernard Friot, Puissance du salariat, La Dispute, Paris, 2012
(22) Bernard Friot, Vaincre Macron, La Dispute, Paris, 2017
(23) Gilles Perret, La Sociale, 2016
(24) Michel Clouscard, La bête sauvage, KontreKulture, Paris, 2014, p. 260
(25) C’est-à-dire les deux forces de la Résistance, et non une chimère alliance idéale qui n’existât de fait pas comme telle, entre une dite gauche et une dite droite – de la part de deux groupes qui récusaient à juste titre ce clivage.
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