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Capitalisme

La fête de Noël comme dressage anthropologique de vos enfants au capitalisme

À Noël, le capitalisme use d'une séduction dès l'enfance. Les parents dressent leurs enfants comme des petits princes en les habituant à la consommation sans produire grâce au Père Noël faisant apparaître les cadeaux par magie, niant ainsi l'exploitation capitaliste mondiale qui a permis de les produire.

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Par Diego T.

Lecture 6 min

Tout le monde le constate, les fêtes de Noël ont pris depuis quelques décennies une tournure nouvelle que la forme symbolique et historique. C'est la forme apologétique du « Consommer sans produire » (1), un concept du philosophe Michel Clouscard. Ici, ce qui nous intéresse c'est le dressage anthropologique, c'est-à-dire la manière dont on crée littéralement l'être depuis le bébé/l'enfant jusqu'à l'adulte, de telle sorte que la production ne fasse pas partie de son environnement. La production est niée complétement, les adultes vont protéger le petit en cours de construction sociale d'un des deux versants du monde, à savoir celui du travail, pour son bon développement. Ce qui est présenté au pied du sapin est donc le fruit d'une production mondialisée, qui n'est pas aussi bien encadrée du point de vue du droit du travail en France que dans le reste du monde, et dans lequel on peut cacher le travail de l'autre côté du monde, certainement même parfois par des mineurs – n'y pensons pas.

Mettons de côté l'expression du désir de l'enfant qui est suffisamment manifeste et encadrée durant tout l'hiver pour s'attarder sur le rapport qu'un petit entretient avec le monde par cette fête. Le déballage des cadeaux fait, les enfants découvrent, apprennent et acquièrent en eux comment tel jouet fonctionne en consultant à peine un hypothétique mode d'emploi. Ils jouent avec. Mais par fonctionnement, nous parlons du point de vue de l'utilisateur, de celui qui devra jouer avec l'objet. L'aspect ludique est important, parce qu'il est séparé de l'activité qui consiste à souder, assembler, plier, insérer, visser, asperger de peinture et supprimer les aspérités d'un cadeau. Les marchandises obtenues en général et celles de Noël en particulier sont des objets reçus, au début de la vie, sans l'entremise des parents. On peut dire de ces objets qu'ils sont donnés par le monde parce qu'ils sont confondus avec lui du point de vue de l'être immature. Les modalités de fonctionnement de ces objets de plus en plus sophistiqués sont impénétrables pour l'adulte, mais l'enfant témoigne d'une prodigiosité telle que ces outils ludiques cachent une partie d'une illusion plus diffuse. Pour le joueur, l'objet devient complètement ludique, il n'est qu'un jouet. Et ce phénomène invisible est formateur pour lui : le bébé puis l'enfant crée son rapport au monde par ce mode là. Il y a un inconscient de la praxis, un inconscient total de là d'où vient l'objet qui nous apparaît dans les mains, sur lequel nous pressons une touche et qui s'anime.

« Lénine disait que le communisme c’est l’électricité plus les Soviets. Le capitalisme, c’est l’électricité plus la magie fonctionnelle. »
Michel Clouscard, Capitalisme de la séduction, Delga, 2009, page 16

Le progrès technique et l'organisation politique qui permettent à ces objets d'être acquis, diffusés et maniés aisément sont donc niés par cette éducation festive et permissive, par l'entremise – entre autres – de la réception des cadeaux de Noël. Il s'agit d'un simple dressage anthropologique par une transmission de coutumes augmentée et subvertie par le capitalisme. Des humains en élèvent partiellement d'autres avec des objets qui se donnent comme merveilleux pour les petits et les grands et en oubliant ce qui permet ces moments. C'est l'usage magique du fonctionnel. Car historiquement, le progrès technique accompagne l'effort en vue d'obtenir une altération du monde, de la matière. Prenons par exemple une visseuse-dévisseuse à batterie, ou un fer-à-repasser électrique qu'on ne pose plus sur le feu depuis bien longtemps. Cela s'apparenterait plutôt à l'usage fonctionnel du magique.

Ici, les techniques viennent servir le versant « consommation » du capitalisme par le dressage, alors qu'elles pourraient être au service de l'éducation, l'élévation du bébé vers l'adulte, reconnu dans sa civilité (il devient un membre de la société à part entière) et donc le principe de réalité qui vient avec. À la place de ça, le petit être obtient alors la reconnaissance qu'il est un usager, un consommateur. Mais la consommation donnée sans médiation est un mensonge pour l'adulte. On ne vole pas dans les magasins.

C'est l'occasion pour nous de rappeler que Michel Clouscard rapporte des objets « magiques » de son temps, par exemple le Juke-Box ou le Flipper. Cette machine construite par des hommes propose d'en divertir d'autres sans que l'aspect illusionniste soit évoqué par l'activité qu'elles permettent. De la même manière, l'effort à faire pour comprendre comment enchanter une maison de poupées, construire un jeu mécanique ou vaincre un monstre dans un jeu vidéo revêt ce même vêtement. C'est la confusion entre l'effort et le ludique qui permet aussi le maintien de la dissociation entre production et consommation.

Mais laissons les adultes là. Le bébé est exclusivement consommateur. Son pied, le sein, et l'oreille de PepaPig : tout passe dans la bouche. Cela revient à dire que la société dans son ensemble reconnaît l'inadéquation du bébé au monde et lui reconnaît ce droit naturel(2) à la consommation pure. C'est une nécessité car il en va de sa survie. Les bébés naissent sans être autonomes, on parle alors de prématurité générique.

En grandissant, le principe moteur est celui du plaisir. Ce qui meut, ce qui anime en premier lieu celui qui est tantôt sur deux, tantôt sur quatre membres l'oriente vers son propre plaisir. Ça brille ? Ça sent bon ? C'est le mien ! Clouscard estime que cette prématurité est encouragée par l'idéologie dominante pour maintenir un état de relative immaturité des membres de la société.

À travers l'éducation du jeune se joue un enjeu de redressage du principe de plaisir vers l'apprentissage, et donc du principe de réalité. Les corps doivent apprendre à se soumettre au procès de production d'une manière ou d'une autre. Cela est fait plus ou moins consciemment et collectivement.

Ainsi l'individu comprend en grandissant la réalité sociale puis économique par la reconnaissance mutuelle de lui-même par autrui et vis-versa. Paul reconnaît à Pierre qu'il est Pierre et Pierre reconnaît à Paul qu'il est Paul. Pierre et Paul sont différents et animés par des choses différentes, ils sont proches mais divergents. Si les êtres sont à part entière, eux-mêmes, c'est grâce à autrui. Pour cette raison, on partage ceci avec telle personne mais pas telle autre. Puis, socialement, on apprend ensuite le principe de réalité pour faire, organiser, acquérir, refuser, accéder et choisir etc.

L'individu est à la fois nécessiteux et désire un objet dont l'usage promet quelque chose, et puisque de cet objet il n'en a pas l'exclusivité de l'usage, il lui faut appréhender très jeune (emprunt, échange, achat ou location) le procès de production pour y accéder complètement (adulte, je gagnerai ma vie de X manière et j'obtiendrai Y par moi-même). Donnons un exemple : pour s'émanciper du foyer avec un véhicule et conquérir une autonomie après l'adolescence, il faut d'abord l'argent, c'est-à-dire la marchandise universelle et donc le salaire du travail. Progressivement, les enfants prennent en compte dans le foyer que les objets ne s'obtiennent pas par magie, mais sont produits, et que l'argent ou les choses deviennent tendanciellement « obtenus en échange de ». De plus, des objets sont cassables et coûteux et d'autres moins. Certains nécessitent un entretien et d'autres sont des consommables. Enfin, certains sont uniques parce qu'ils sont de l'ordre de la transmission et leurs usagers y attachent un sentiment de filiation interpersonnelle, des souvenirs précis et chéris. Mais globalement, la promesse que propose un objet et dans laquelle un petit peut y trouver son compte est d'abord mû par son côté merveilleux, libérateur et ludique.

Cet apprentissage permanent se perpétue dans l'adulte.

« Les parents ne font alors que proposer l’éducation de la société industrielle sous tutelle capitaliste. Celle-ci impose l’usage coutumier de ses techniques. Un système fonctionnel qui prolonge et multiplie les pouvoirs du petit prince de la consommation. »
Michel Clouscard, Ibid, p. 15

D'une part, en grandissant les hommes se reconnaissent mutuellement comme des êtres à part entière et désirant des choses communes. D'autre part, le rapport entretenu par l'idéologie dominante et la subversion culturelle les contraint à dissocier la production en général de leur consommation ludique et individuée par le simple fait d'associer dans leur psychée (l'inconscient de la praxis) le ludique et l'effort. Le ludique et l'effort qui permettent de jouer avec le jeu sont associés, le travail et l'effort qui permettent de produire avec l'outil sont dissociés.

Les marchandises sont, malgré ce qui a été dit, belles et bien produites. La production dans l'absolu continue d'avoir lieu, mais est séparée de son corollaire consommant qui reste pour les adultes un tour de magie dont on connaît mal les ficelles, même pour la fête de Noël. Cette séparation est schizophrénique, c'est l'inversion de la réalité proposée par des adultes à leurs propres enfants par connivence obligatoire. C'est un mensonge nécessaire. Et la fête de Noël aujourd'hui ressemble terriblement bien à ça. Chrétiens ou non, Noël est un moment de retrouvailles, d'engueulades, de repos et de ripaille, autrement dit c'est une activité du domaine de la religion au sens propre. Passez de belles fêtes, offrez ce qui vous chante et chérissez vos proches !


Notes :

(1) Nous précisons que le capitalisme qui se présente comme une « consommation sans produire » (plus communément appelée « société de consommation») et qui souhaite conserver cette illusion infantilisante est valide, mais que pour 1% de la population qui vit sur la production des 99 autres %.
(2) Le droit naturel est celui qui n'est pas positif, juridique.
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