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Hausse des prix

L’inflation, un prétexte pour comprimer les salaires

Présentée comme une fatalité, l'inflation galopante s'accorde parfaitement avec les intérêts de la classe dominante, dont les priorités restent les mêmes : comprimer les salaires et augmenter les profits.

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Par la rédaction

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Un nouveau terme a fait son apparition dans la novlangue macroniste : la sobriété subie. Pour traduire cet euphémisme, on peut dire que la plupart des Français n'ont pas choisi la sobriété. C'est la sobriété qui les a choisis. Ils sont contraints de se priver d’un certain nombre de biens et services essentiels du fait d’un niveau de vie déjà stagnant voire en baisse depuis plusieurs années, et que l’inflation galopante vient encore comprimer.

Un article de Libération révèle que 8 Français sur 10 craignent de passer un hiver plus compliqué que d’habitude, 6 sur 10 d’avoir froid chez eux. 68% des personnes interrogées disent devoir rogner sur leurs dépenses énergétiques, 58% sur l’alimentation, 56% sur les loisirs, 48% sur l’habillement et 35% sur les transports. Seuls 10% des Français estiment qu’ils ne seront pas contraints de le faire. Le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement est à la fois très coûteux pour le budget de l’État et largement insuffisant puisqu’il n’a aucun effet sur les fins de mois des Français.

Le gouvernement refuse de défendre les salaires

En dépit des affirmations mensongères du gouvernement, celui-ci a entériné la baisse du niveau de vie des Français en ne prenant pas les mesures qui auraient permis aux ménages de supporter l’inflation. La loi sur le pouvoir d’achat, tant vantée par le gouvernement et adoptée avec le soutien de LR et du RN, ne prévoit aucune mesure durable sur les salaires ; elle ne fait que tripler le montant maximal théorique de la « prime Macron », défiscalisée et versée selon le bon vouloir des employeurs.

On objectera sans doute que le gouvernement n’a pas le pouvoir d’augmenter directement les salaires, mais on constate en même temps que les mesures qui auraient pu être prises ne l’ont pas été. Ainsi, le point d’indice des fonctionnaires n’a été augmenté que de 3,5%, ce qui ne correspond même pas au niveau de l’inflation, sachant qu’il était gelé depuis plusieurs années et que le niveau de vie des fonctionnaires a donc déjà baissé entre-temps. L’augmentation du SMIC proposée par la NUPES a été refusée alors qu’elle aurait sans doute provoqué des négociations salariales à la hausse. D’ailleurs, le gouvernement a refusé d’intervenir dans les négociations salariales ou d’en convoquer, affectant l’indignation devant cette proposition. Cela n'avait pourtant pas gêné outre mesure l'ancien président Nicolas Sarkozy qui a pesé de tout son poids lors des négociations avec Alstom en 2012. Il est vrai que le vote des ouvriers pesait dans la balance à la veille de l'élection. Le blocage des prix des denrées de première nécessité est aussi rejeté par le gouvernement. Cette absence de prise de mesures suffisantes, qui ont été proposées et qui ont déjà été appliquées par des gouvernements de droite comme de gauche, apparaît donc clairement comme une décision délibérée du gouvernement Borne.

Leur solution de fumiste : Comprimer les salaires pour compenser l'inflation

Les économistes patentés adhèrent massivement à la théorie de l’offre et de la demande. Le prix d’équilibre sur un marché est censé être le point de rencontre entre l’offre et la demande. La demande de biens de consommation est déterminée par le revenu réel des consommateurs. En cas d’inflation, il convient, selon cette théorie, de ne pas augmenter ce revenu et a fortiori par la voie d’aides d’État, sans quoi il y aurait un surplus de demande de biens de consommation, et, par voie de conséquence, une inflation du prix de ces biens. Le revenu du travail, qui est en grande partie constitué du salaire, occupe la plus grande part du revenu des ménages pris dans leur ensemble. Par conséquent, il faudrait comprimer les salaires pour compenser l'inflation. Le salaire nominal reste stable – ou baisse si on est vraiment motivé – et le salaire réel baisse à court terme, quitte à se relever plus tard. Voilà ce que le gouvernement veut dire quand il appelle les travailleurs à « faire des efforts ». On est habitués à ce genre de discours de rigueur : hier, c'était la dette, aujourd'hui, c'est l'inflation.

Or, cette théorie n'est pas validée par l'expérience, et quand bien même paraîtrait-elle logique, elle n'est plus réelle depuis bien longtemps. En effet, le bulletin de la Banque des règlements internationaux (BRI) du 4 mai 2022 admet qu’il y a peu de preuves indiquant qu’il y ait actuellement une soi-disant course-poursuite des salaires et des prix et que la corrélation entre l’inflation et la hausse des salaires nominaux est au plus bas, avec un coefficient de corrélation proche de zéro ou négatif depuis le début des années 2000. La non-corrélation entre inflation et salaire était déjà constatée en son temps par Karl Marx, dans Salaires, prix, profits, démontant la théorie de la course-poursuite entre les salaires et les prix défendue alors par le syndicaliste Thomas Weston il y a 160 ans déjà.

Constatant de son côté la baisse de la part des revenus dégagés par les entreprises reversés aux travailleurs, l’économiste Dean Baker, du Center for Economic and Policy Research, se pose une question toute simple : si la hausse des salaires fait monter l’inflation, pourquoi la part des salaires diminue-t-elle par rapport à celle des profits ? C’est une question purement rhétorique. Si la part des salaires augmente, celle des profits diminue, puisque le profit est la valeur ajoutée qui revient au capital.

Le problème est du côté de la production, pas du côté de la consommation

Ce n'est pas du côté de la demande qu'il faut chercher, mais de l'offre. Selon Michael Roberts, la faiblesse de l’offre, c’est-à-dire de la production, n’est pas seulement la conséquence d’une mauvaise conjoncture (effets du coronavirus, guerre d’Ukraine, etc.), mais aussi celle d’un déclin sur le long terme des gains de productivité des principales économies. De plus, il relève que la baisse de l’augmentation de la productivité est telle que l’offre ne peut pas répondre au retour de la demande de biens après la période de pandémie. Aux États-Unis, l’évolution de la production réelle par heure de travail, c’est-à-dire la quantité de valeur ajoutée produite dans un pays – ajustée à l’inflation – divisée par son nombre d’habitants, a chuté de -2,1 points entre le premier et le second semestre 2022. C’est la pire baisse de productivité entre deux trimestres depuis au moins la fin des années 1940.

Le chantage par la fixation des prix

Le capital cherche la rentabilité. Comme le relève Bruno Bertez, soit il cherche sa rentabilité dans la production, soit, si la production n’est pas suffisamment rentable et trop risquée, il cherche sa profitabilité en Bourse. Malgré une longue période de taux d'intérêt bas, les capitalistes ont préféré boursicoter plutôt que d'investir dans l'économie – sauf dans le cadre des grandes délocalisations que nous connaissons. Cette « grève de l'investissement », analysée par Gilles Moëc et Laure Frey de la Banque de France, conduit aujourd'hui à une production insuffisante. On ne peut plus assez produire pour satisfaire la demande parce que l'on en est bien incapable. On ne vend pas assez, donc on ne gagne pas assez. Or, dans un environnement concurrentiel, la course au profit est mortelle pour les perdants. Augmentons donc les prix ! Tel est le raisonnement du capitaliste, qui détient le pricing power, le pouvoir de fixer les prix. Pour Bruno Bertez, c'est bien ce pouvoir qu'il faut briser.

L'inflation actuelle et l'action gouvernementale s'organisent donc en un véritable chantage. Les travailleurs sont invités à consentir à la « sobriété » – l'expression se « serrer la ceinture » n'étant plus à la mode – s'ils veulent retrouver des prix raisonnables. La bourse ou la vie.

Marius P. et Aurore B.

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