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Homme Total

Le rapport de l'homme à la nature et la production de sa liberté vers l'Homme Total

L'homme total va vers la liberté, il devient nature mais libre. Il devient totalité comme la nature mais en la dominant. L'homme total est individu libre dans la communauté libre. Il est individualité épanouie dans la variété illimitée des individualités possibles.

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Par Henri Lefebvre

Lecture 11 min

Ce texte est extrait de Matérialisme dialectique, La production de l’homme par Henri Lefebvre.

→ À lire aussi : Définition de l'Homme Total

« En tant qu’être naturel, l’homme est donné », dit le Manuscrit de 1844. Au point de départ de sa « production » se trouve donc la nature biologique et matérielle, avec tout ce qu’elle recèle d’inconnu et de tragique.

Transformée, mais présente, cette nature apparaîtra sans cesse dans le contenu de la vie humaine. [...] L’Homme a été d’abord une possibilité biologique, bien que cette possibilité n’ait pu devenir actualité que par une longue lutte, dans laquelle l’Homme assume la responsabilité croissante de son être.

Son activité devient puissance, volonté, il gagne douloureusement la conscience. Il ne cesse pas d'appartenir à cette nature, ses énergies plongent dans celle de la nature, s'y renouvellent et s'y perdent. Cependant l'homme n'est pas seulement être de la nature, il est aussi humain. Dans et par l'homme la nature se sépare, s'oppose à elle-même, entre avec elle-même dans une lutte plus profonde.

L'homme être de la nature, se tourne contre elle, lutte contre elle. Pour lui elle est la source originelle et la mère, et cependant elle n'est plus que la matière donnée de son action.

L'homme actif modifie la nature autour de lui et en lui-même, il crée sa propre nature en agissant sur la nature. En la façonnant à ses besoins il se modifie dans son activité et se crée de nouveaux besoins. La nature telle qu'elle devient dans l'histoire humaine est la nature de l'homme.

Dans son histoire, l'être humain s'isole en un sens de la nature mais il contracte ainsi avec elle un rapport plus profond, une unité plus haute. L'homme est un être limité de la nature qui se comporte comme un tout, un être fini qui s'ouvre des possibilités infinies.

L'homme est capable de s'élever à un degré supérieur d'existence et de surmonter son point de départ.

Sa limitation et son abstraction se transforment en puissances. Ce qui est le plus limité dans l'homme, son entendement abstrait, la capacité de fixer des objets et des instants devient précisément le principe de cette puissance croissante. La conscience de l'homme exprime son pouvoir sur les choses mais aussi sa limitation. Puisqu'elle ne s'atteint que par l'intermédiaire de l'abstraction.

La conscience exprime donc à la fois la finitude de l'homme et son infinitude. C'est là sa contradiction interne qui l'oblige à toujours s'approfondir et se dépasser. Et c'est là son drame, son malheur et sa grandeur. Le secteur non-dominé du monde reste immense. En ce qui concerne la nature, ce secteur non-dominé est pour l'homme fatalité et hasard bruts.

Dans l'homme lui-même, ce secteur se nomme spontanéité pure, inconscience et encore destin psychologique ou social. Il comprend tout ce que l'activité n'a pu jusqu'ici orienter et consolider. Tout ce qui n'est pas encore produit par l'homme et pour l'homme. Il s'agit d'une part immense de la réalité qui n'est pas encore objet pour la praxis.

L'activité productrice contient cette contradiction la plus profonde de toute, l'opposition douloureuse entre la puissance de l'homme et son impuissance. Entre l'existence d'un secteur de la réalité qui est dominé, consolidé humainement et celle d'un secteur brut.

L'homme se trouve à chaque instant séparé de ce qui le fait être, et qu'il n'arrive pas encore à maîtriser. Ce secteur non-dominé comprend encore malheureusement presque toute la vie naturelle et biologique, presque toute la vie psychologique et sociale de l'homme. La puissance de l’homme, qui semblait si forte, paraît tout à coup infiniment fragile et menacée.

L'attitude envers ce secteur non-dominé peut être une exploration par des moyens non-scientifiques. Le primitif a eu le sentiment de l'unité du monde à un degré plus haut que l'homme fragmenté de la société moderne. Cette pensée primitive se figure dominer ce qu'elle ne domine pas, elle croit obtenir des résultats avec des techniques arbitraires : les magies.

Toutes ces formes de l'activité impliquent une sorte de tentative indirecte pour comprendre et gouverner le monde non-dominé. Seule la connaissance scientifique peut pleinement réaliser cette domination. La présence du secteur non-dominé est plus fascinante, plus effrayante pour nous que pour le primitif.

Il semble qu'il faille à tout prix et par tous les moyens s'approprier le secteur non-dominé. L'activité mythique persiste donc. On ne se contente pas davantage de son expression esthétique, on veut encore se le représenter, se consoler en lui ou encore le désarmer, le rendre inoffensif. D'où la persistance de la religion, d'où encore l'invention de nouveaux mythes et de nouvelles magies.

L'homme est donc à l'origine un humble fragment de la nature, un être biologique faible. L'homme n'est plus et ne peut plus être la nature et cependant il n'est qu'en elle et par elle. Cette contradiction est reproduite et approfondie au cours même du processus qui doit aboutir à la dominer.

L'homme est activité créatrice, il se produit par son activité. Son activité domine peu à peu la nature, mais alors cette puissance se retourne contre lui, prend les caractères d'une nature externe et l'entraîne dans le déterminisme social qui lui inflige de terribles épreuves.

Soumis à la brutalité biologique, l'homme s'oppose non moins brutalement à cette brutalité. Dans le droit, la morale et la religion, l'homme naît et se réalise dans ce qui est autre par rapport à lui, dans ce qui le nie et qu'il nie, et qui cependant lui est intimement uni. La nature mêlée à elle cependant peu à peu puissant sur elle, il se crée une nature humaine.

Le labeur humain humanise la nature autour des hommes, et la nature s'intériorise humainement en devenant vitalité lucide, énergie instinctive délivrée des limitations de l'instinct naturel et passif. Le travail, la production économique, n'est pas une fin en soi. Le résultat essentiel de la production est l'existence de l'homme.

L'histoire sociale est l'histoire de l'appropriation par l'homme de la nature et de sa propre nature. Le travail social et l'activité économique sont des moyens de cette appropriation. L'homme économique doit être dépassé pour que se manifeste la liberté de l'homme total.

L'homme total est toute nature, il enveloppe en lui toutes les énergies de la matière et de la vie. Tout le passé et l'avenir du monde. Mais il transforme la nature en volonté et en liberté. Aujourd'hui même, au moment où sa puissance sur la nature est déjà grande, l'homme vivant est plus que jamais victime des fétiches qu'il a lui-même suscités.

Une nouvelle conscience lucide, tenace, méfiante, est nécessaire pour démasquer ses fétiches. Le matérialisme dialectique voudrait être l'expression et l'organe de cette conscience. Pour mettre fin à cette situation, il faut dépasser la structure sociale qui subordonne une classe à une autre.

Il faut surmonter une organisation économique dans laquelle le prolétariat n'est qu'un instrument de production. Il faut atteindre une pleine conscience de la praxis.

Comme les limitations de la conscience sont elles-mêmes fondées sur une certaine praxis, celle de notre structure économique et sociale, il faut la surmonter pour créer une praxis nouvelle, cohérente et planifiée.

L'homme total est le sujet et l'objet du devenir. Il est le sujet de l'action et en même temps l'objet dernier de l'action, son produit même. L'homme total va vers la liberté, il devient nature mais libre. Il devient totalité comme la nature mais en la dominant.

L'homme total est l'homme désaliéné. Une philosophie matérialiste et pratique ne peut que s'interdire de présenter un idéal transcendant. Son idéal doit être une fonction de la réalité. Il doit avoir des racines dans cette réalité et y exister virtuellement. L'idée de l'homme total répond à cette exigence.

La fin de l'aliénation humaine sera le retour de l'homme à lui-même, c'est à dire l'unité de tous les éléments de l'humain. Ce naturalisme achevé coïncide avec l'humanisme. Cette organisation de la communauté humaine ne terminera pas l'histoire mais bien plutôt la préhistoire de l'homme, son histoire naturelle mal dégagée de l'animalité.

Elle inaugurera la période véritablement humaine dans laquelle l'homme dominant le destin tentera enfin de résoudre les problèmes spécifiquement humain : les problèmes du bonheur, de la connaissance, de l'amour et de la mort.

Pour cet humanisme, l'instance suprême n'est pas la société, mais l'homme total. L'homme total est individu libre dans la communauté libre. Il est individualité épanouie dans la variété illimitée des individualités possibles.

Cette issue de la préhistoire humaine n'est pas fatale. Elle ne peut sortir ni d'un destin économique ni d'une finalité mystérieuse de l'histoire, ni d'un décret de la société. Les individus vivants qui agissent pour elle peuvent être vaincus.

L'humanité peut s'engager dans la confusion et le chaos. »

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