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Impérialisme

Taïwan : La Chine est en droit de défendre sa souveraineté face à l’impérialisme

Le caractère inédit et hautement provocateur de la visite de Mme Pelosi à Taïwan a fait bondir, à raison, le gouvernement de Pékin. Cet événement s’inscrit dans une lutte de longue haleine de la Chine pour son unité et son indépendance.

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Par François Goupil

Lecture 15 min

Curieux comportement que celui des États-Unis d’Amérique, qui fait davantage penser à la politique de terre brûlée d’un empire décrépit qu’à celle d’une puissance dominatrice. Après la Corée, le Vietnam, l’Irak, l’Afghanistan et bientôt l’Ukraine, faudra-t-il une bonne rouste de la part du Dragon rouge pour que l’hegemon en sursis soit enfin rassasié de défaites ? Prenons un peu de hauteur sur la situation, et passons outre les cris d’orfraie auxquels nous ont tristement habitués nos chers politiciens et leurs relais-caniches qui nous servent de médias officiels (1) pour comprendre dans quel contexte historique et géopolitique cette situation scandaleuse trouve son occurrence.

I. L’unité territoriale de la Chine : un combat séculaire

On ne comprendrait guère ce qui motive autant le gouvernement de Pékin à réunifier la Chine si l’on ne se souvenait pas que, de 1840 à nos jours, la Chine n’a jamais cessé d’être morcelée. Les guerres de l’opium, dans les années 1840 et 1850, ne consacrent pas seulement l’avènement des concessions occidentales et des consortiums, l’ouverture des villes côtières au commerce mondial et l’abaissement des barrières douanières. Dans le Xinjiang, dans les provinces habitées par les ethnies Hui, mais également dans les provinces du sud-ouest, des mouvements séparatistes revendiquent leur autonomie vis-à-vis du pouvoir central et provoquent des guerres civiles extrêmement meurtrières. La révolte des Dounganes, dans le Xinjiang et dans les provinces du nord-est, ne tue pas moins de 8 millions de personnes en l’espace de quinze ans. Hong-Kong et Macao deviennent respectivement des colonies britannique et portugaise. Dans le même temps, l’élite impériale, radicalement rétive à la modernisation des techniques et à l’ouverture du pays, peine à assurer la protection d’un pays en proie aux factions et aux agressions extérieures, qu’elles soient japonaises, européennes, où qu’elles proviennent de la puissance impérialiste émergente : les États-Unis d’Amérique.

La Chine de 1911, année où est proclamée la première République de Chine à la faveur de la décadence de la dynastie mandchoue, est semblable à un énorme gâteau que se partagent les puissances occidentales industrialisées, mais aussi des factions de seigneurs de guerre qui prospèrent sur les ruines de l’ancien régime. On comprendra donc que les prétentions occidentales renouvelées consistant à nier à la Chine son caractère unitaire et sa souveraineté sur ses propres territoires aient le don d’agacer le gouvernement de Pékin. Que l’on ne s’étonne pas non plus des manœuvres militaires de l’Armée populaire de libération visant à priver le régime de Taipei d’espaces maritime et aérien.

Les puissances occidentales se partagent le gâteau chinois Caricature française de la fin du XIXème siècleLes puissances occidentales se partagent le gâteau chinois Caricature française de la fin du XIXème siècle (Henri Meyer / Wikipédia)

Revenons à Taïwan, justement. L’île, que les manuels de géographie d’antan appelaient Formose, est située dans la mer de Chine orientale. Ayant appartenu depuis le XVIIe siècle à la chine impériale, alors gouvernée par la dynastie mandchoue des Qing, elle change de souveraineté en 1895, après que le Japon modernisé de l’ère Meiji s’en est emparé au terme de la première guerre sino-japonaise, qui se solde par le traité de Shimonoseki. L’île retourne dans le giron de la République de Chine en 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale et après que le Japon impérialiste a été vaincu et bouté hors du pays. La Chine est alors morcelée par différentes factions, issues de la révolution de 1911 et de ses suites, qui s’affrontent sans merci pour le pouvoir. Les communistes de Mao Zedong (2), dans le nord, et les nationalistes du Guomindang (3) se livrent une guerre violente depuis la fin des années 1920 pour le contrôle d’un pays affaibli par un siècle de défaites militaires et de traités inégaux imposés par les différentes puissances occidentales.

Au terme de plus de vingt ans d’âpres combats, la guérilla finit par avoir raison de la domination du Guomindang, et les communistes proclament la République Populaire de Chine en octobre 1949. Le reste des forces de la République de Chine nationaliste, menées par Tchang Kaï-Chek (4), se réfugient donc sur l’île de Taïwan, et y établissent une dictature militaire très autoritaire jusqu’à la fin des années 1970. C’est à ce moment que se noue le problème taïwanais.

II. La «communauté internationale» et ses clercs : hypocrisie et couardise

Car s’il est vrai que Taïwan a été dans un premier temps reconnue comme la seule Chine légale et gratifiée d’un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, le droit international, ainsi que les positions de la soi-disant «communauté internationale» ne souffrent de nos jours aucune sorte d’ambiguïté : il n’existe qu’une seule Chine et son gouvernement légal n’est pas situé à Taipei, mais à Pékin. Les résolutions onusiennes n’en disent pas moins lorsqu’en 1971, elles privent Taïwan de son siège au Conseil de sécurité au profit de la République Populaire de Chine. Les États-Unis d’Amérique eux-mêmes n’entretiennent aucune relation officielle avec le régime de Taipei depuis 1972. Quant à la France, sa position est censément la même depuis l’époque gaullienne : elle a reconnu la légitimité de la Chine populaire en 1964, rompant l’alignement au bloc occidental anti-communiste.

À quoi jouent donc M. Biden, Mme Pelosi et les États-Unis d’Amérique en Asie du sud-est ? Les éléments mentionnés ci-dessus nous permettent au moins d’hausser le sourcil. Ils nous permettent également d’interroger le mutisme couard du pouvoir français. Pourquoi nos élites, donc, si enclines à défendre la «souveraineté» de l’État fantoche d’Ukraine, jouent-elles aux vierges effarouchées sur la question chinoise ? Le régime de Taipei ne dispose pourtant d’aucune ambassade à Paris, contrairement à la Chine populaire. N’en déplaise à M. Antoine Bondaz, sinologue de cour (qui est d’ailleurs sinologue comme je suis peintre) qui prétend que les soi-disant «ambiguïtés» de la position française donnent tort à ceux qui, comme M. Mélenchon, défendent les revendications de Pékin au nom du bon sens élémentaire et de la tradition politique française en la matière. M. Bondaz, qui par ailleurs admet l'unité de la Chine Ming – malgré le désintéressement des élites de l'époque pour l'île – par le truchement des princes autonomistes ne reconnaissant pas les Mandchous conquérants (XVIIe siècle) comme légitimes, fait semblant de n’y pas voir une preuve supplémentaire du fait que Taiwan est bien dans la Chine, malgré son caractère périphérique, et ce, pris dans l'histoire politique du pays. (Il en va de même pour les taiwanais et la «République de Chine» et pas «de Taiwan», qui elle-même reconnaît l'unité de la Chine continentale et de son propre territoire à travers une représentation nationale législative et fictive jusqu'en 1991.) La France, quant à elle, reconnaît bien depuis 1994 que Taïwan fait partie intégrante du territoire chinois, et a par ailleurs réaffirmé depuis à de nombreuses reprises qu’il n’existe bien qu’une seule Chine. Ceux qui feront semblant de ne pas comprendre de quelle Chine il est fait mention sont au mieux des idiots, au pire de mauvaise foi, quelle que soit «l’hypocrisie» supposée des communiqués du Quai d’Orsay.

Quid, donc, du respect de la volonté des insulaires de choisir leur destin qu’invoquent à souhait MM. Bondaz et Glucksmann ? Nous répondrons au premier que les États-Unis s’en moquent éperdument, comme ils se sont moqués des russophones du Donbass, des enfants irakiens, des Serbes ensevelis sous les bombes otaniennes, des Yéménites, des Palestiniens et des autres peuples écrasés sous la botte de l’Oncle Sam ou de ses séides. Que la souveraineté, ensuite, ne se discute et ne se partage pas au nom de grandes «valeurs» supposées que seul l’Occident aurait le droit de porter en étendard : que dirait-on si un illustre spécialiste chinois de la France militait ouvertement pour une Corse ou une Bretagne indépendante ? Le second, qui est bien le fils de son père, nous le renvoyons à sa propre histoire et rappelons qu’il fut le conseiller de l’illustre dictateur géorgien Mikhaïl Saakachvili, trublion sympathique, et qu’en matière de respect des peuples et de la démocratie sa parole n’est guère souhaitée et souhaitable. Au deux en même temps, enfin, nous disons qu’ils feraient bien mieux de se préoccuper de la souveraineté populaire et nationale des Français avant d'aller clamer leur amour des peuples étrangers, tel le philosophe hypocrite merveilleusement décrit par Rousseau (5). Les Taïwanais sont des adultes, et n’ont guère besoin que des hommes médiocres leur tiennent la main. Ils n’ont pas non plus besoin qu’un vieil empire en sursis leur dicte leur destin, et les enjoigne à embrasser goulument la société libérale qui leur est promise.

III. La voix de la France pour la paix et la fraternité

Les peuples chinois et français, forts d’une amitié et d’une admiration réciproque, ont pourtant tout intérêt à s’entendre et à se respecter comme ils le font depuis des siècles. Nous, Français, ne saurions oublier que, comme de nombreux politiques du Parti Communiste Chinois et de jeunes étudiants, Zhou Enlai et le président Deng Xiaoping furent formés et firent leurs premières armes politiques à Paris. Ni même que le journal Nouvelle Jeunesse, dans les années 1920, rendait un hommage vibrant à la France et à son histoire révolutionnaire.

Mais nos chères élites, non contentes de n’être guère douées de cette conscience historique minimale, sont toutes américaines, et pensent en Américains. Imbibées d’idéologie néolibérale, mondialiste et cosmopolite, il leur est physiquement et mentalement impossible de penser, d’une part, le monde sans hégémonie américaine et d’autre part, que la première puissance mondiale soit un pays socialiste plaçant la souveraineté nationale et populaire ainsi que la lutte contre la misère au pinacle de ses considérations politiques. Après avoir mis à genoux les peuples d’Europe par des sanctions absurdes à l’encontre de la Russie, elles mettent de nouveau le feu aux poudres et menacent, telles le cachalot pris dans les filets du baleinier, de faire éclater en morceaux le canot dans lequel nous sommes tous assis. Comme pour toute puissance sur le déclin, une bonne guerre (une de plus !) ne serait de trop pour relancer une industrie moribonde. Ni même une entente crapuleuse avec la bourgeoisie comprador du régime de Taipei pour le partage des matières premières locales et de ses performantes industries. Emmanuel Lincot, professeur à l’Institut Catholique de Paris, avoue même à demi-mots dans un article de « décodage » que l’indignation occidentale n’est pas désintéressée : « On ne peut pas se passer de Taïwan, les trois quarts des microprocesseurs, ceux qui sont utilisés dans votre téléphone, y sont fabriqués. Le deuxième point, c’est qu'on ne peut pas non plus se passer de la libre-circulation des hommes et des marchandises dans le détroit de Taïwan. Or si la Chine communiste s'empare de Taïwan, c’en est fini de cette circulation. » La formule semble relativement frelatée, et il est loin d’être certain que l’exacerbation des tensions avec Pékin, ainsi que la tutelle annoncée des Américains soient du goût des habitants de l’île.

La position de la France, dans toute cette histoire, devrait être celle qui a toujours été la sienne, et qui a fait son honneur par le passé : elle doit se porter garante de la paix mondiale et du respect de la souveraineté des nations. Que le régime chinois ne soit pas parfait ne regarde, en l’état, personne d’autre que les Chinois eux-mêmes qui, contrairement à nous, ont au moins la vertu d’être maîtres de leur propre destin. Nous, communistes français, réaffirmons que nous ne souhaitons pas de guerre entre les peuples américains et chinois, ni de guerre civile entre les continentaux et les insulaires ; que nous ne souhaitons en aucun cas que notre peuple soit embarqué dans les aventures douteuses de la bourgeoisie impérialiste américaine ; enfin, que la Chine populaire est la seule Chine, et que ses revendications sont légitimes. De notre côté, nous lutterons pour que cette caste imbécile et belliqueuse cesse de s’adresser à un pays millénaire, luttant depuis des siècles pour son unité et son indépendance, comme s’il s’agissait d’un vulgaire commerçant à extorquer. En la matière, cependant, nous lui souhaitons bien du courage. Chose dont elle ne peut disposer, car le courage est l’apanage des hommes intègres. Et il sera bien difficile d’extorquer quoi que ce soit au Dragon rouge.


Notes et références :

(1) Ainsi le journal Libération, suivi de la majorité de la presse de l’oligarchie, de fustiger M. Mélenchon qui, dans une récente note de blog, ne fait que rappeler des évidences.
(2) Au terme de la “Longue Marche” de 1934, Mao est parvenu à s’imposer comme chef du Parti Communiste Chinois. Celui-ci fut créé en 1921 à Shanghai. D’abord orienté par une stratégie d’inspiration soviétique, ouvriériste et urbaine, Mao oriente le mouvement vers la conquête des campagnes et des classes paysannes
(3) Parti nationaliste fondé par Sun Yat Sen, il est à l’origine de la Révolution de 1911. Il est porté par la montée en puissance d’une nouvelle bourgeoisie urbaine et côtière qui émerge dans les années 1900 à la faveur des bouleversements sociaux provoqués par la présence occidentale. Dans les années 1920, les recommandations de Staline poussent les communistes à s’allier au Guomindang pour faire face à la colonisation et au désordre intérieur. La trahison des communistes par les nationalistes en 1927, qui amorce la guerre civile, est très bien narrée dans le roman d’André Malraux, La condition humaine (1933).
(4) Successeur de Sun Yat Sen à la tête du Guomindang, son administration de la Chine continentale, dans les années 1920, est brutale et inaboutie par bien des aspects. Il est ensuite largement désavoué par la population chinoise à cause de la mauvaise gestion de la guerre sino-japonaise (1937-1945).
(5) « Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins. » Jean-Jacques Rousseau, dans l’Emile.
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